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Clarissa Rivière
13 juillet 2017

Désirs ferroviaires

 

Fichier 03-07-2017 18 01 08

    Il y a une dizaine de jours, j’ai rendu visite à mon ami poète Galan Dorgia. A peine installée dans le train, j'ai été prise d’une nouvelle crise de sidérodromophilie. Je l'ai assouvie avec les moyens du bord, un cahier et un stylo, et raconté mon voyage, entre fantasmes et réalités...

    Je le recopie ici, comme un clin d'oeil à Galan...

    (Quelques publicités pour La Musardine et des idées de lectures se sont glissées dans mon texte ;-) )

 ***

    Aller

    Pour une fois, Céline voyage seule, sans enfants, sans hommes, sans collègues... Elle compte bien réaliser enfin son fantasme, être abordée par un inconnu dans le train, discuter, échanger des regards, des sourires, et, qui sait, faire l’amour. Accompagner les mouvements du train avec ceux de leurs corps, se faire prendre furtivement, joyeusement, avec la crainte d’être surprise... Elle a tout prévu : des préservatifs au fond de son sac et un livre pour annoncer clairement ses intentions et se faire aborder : Osez 20 histoires d’infidélité. Le message est clair non ? Elle ne cherche pas l’amour avec un grand A, elle l’a déjà trouvé, mais plutôt le frisson, l’aventure, le désir, le plaisir peut-être.

    Légère déception au moment où son voisin s’installe, il n’est pas vraiment sexy. Mais l’envie de réaliser son fantasme est plus fort que tout, n’importe qui ou presque ferait l’affaire ! Céline sort le grand jeu, sourires, effleurements de cuisses, de bras. Les secondes classes ont du bon, elles offrent plus de promiscuité.

    Elle quitte Paris  pour rejoindre son amant lyonnais, le temps d'une journée volée, elle est folle de joie de le revoir, et se sent excitée comme jamais à la perspective de retrouver son corps, son sexe, sa langue. D’habitude, c’est lui qui vient voir à Paris, mais cette fois, il avait envie de lui faire découvrir sa ville. La tension au creux de ses jambes est telle qu’il lui faut un homme, là, maintenant. Mais son voisin l’ignore totalement, il se plonge dans son roman policier, et n’adresse pas un regard, même poli, à son décolleté, qui pourtant n'a jamais été aussi vertigineux. Quel ingrat ! Dans une ultime tentative, elle se penche sur lui à bras-le-corps pour brancher son téléphone à court de batterie sur l’unique prise, située côté fenêtre. Poitrine collée sur le ventre rebondi de l’homme, elle farfouille avant de réussir enfin à enfoncer son câble dans la prise, en voilà une qui a de la chance. Elle se relève avec un sourire d'excuse. L’inconnu lui rend ses politesses, mais ne saisit pas la perche tendue. Céline se sent plus excitée que jamais.

    Elle tâche d’imiter son sage voisin et ouvre son livre. Mais sa lecture n’arrange pas son état, les histoires érotiques du recueil sont plus épicées les unes que les autres. Excédée, Céline ferme le livre d’un coup sec, elle va devoir se caresser toute seule dans les toilettes pour retrouver son calme. Elle lève les yeux vers les voyants lumineux et croise un regard ardent. 18 ans, 20 ans à tout casser, bien trop jeune pour elle. Aucune envie de dépuceler un de ces jeunes accro aux films X. Le jeune homme se lève et se dirige droit vers elle. Céline plonge son nez dans son livre, les joues déjà bien roses.

    — Bonjour, Je peux vous offrir un café ?

    Il est peut-être jeune, mais il n'a pas froid aux yeux. Elle pourrait être sa mère ! Mais après tout, pourquoi pas... Ce qui se passe dans un train ne compte pas, ce sont des instants particuliers, hors du monde, entre deux vies. Deux inconnus se regardent, se lient, en dehors de toute raison objective, si ce n’est leurs envies… Le voyage est déjà bien avancé, le jeune garçon n’y va pas par quatre chemins. Dans la voiture bar déserte, loin des oreilles indiscrètes, il tente sa chance.

    — Je m'appelle Yohan… j'ai remarqué votre livre, il vous donne des idées ?

    — Céline, enchantée ! Des idées, oui, peut-être…

    Céline rougit en s’entendant prononcer des paroles aussi provocatrices, mais il n’y a plus de temps à perdre ; dans une heure ils arrivent, leurs chemins se séparent pour toujours. Pourquoi tourner autour du pot, s’adonner à une sorte de danse de séduction qui ne rime à rien puisqu’ils veulent seulement passer un moment torride. Elle se lance donc, le cœur battant, regrettant que son café ne se métamorphose pas en champagne pour l’aider un peu.

    — Je dois vous avouer que j’ai hésité avec un autre titre, Osez 20 histoires érotiques dans un train.

    — Oh ! Vous rêvez de rencontrer quelqu’un dans un train ! C’est amusant, moi aussi ! Nous étions faits pour nous rencontrer…

    Céline hésite encore, la figure enfantine de Yohan la gêne, malgré ses yeux brillant de désir. Son corps est bien celui d’un homme, musclé à souhait d'après ce qu'elle peut voir. Comment peut-elle lui plaire avec son visage de sorcière ! Il doit être comme elle, prêt à faire l’amour avec n’importe qui... Céline sourit. Son fantasme est plus fort que tout, peu importe l’âge, l’origine... Ils ne sont plus que deux êtres aimantés, deux corps qui s’appellent et rêvent de s’étreindre.

    —Viens !

    Il l’entraîne d’autorité. Le tutoiement abolit définitivement les frontières de l’âge, Céline serre fort sa main. Lui aussi a bien préparé les choses, il a exploré le TGV de fond en comble et, tout au bout du train, en bas, voiture 18, miracle : les places du fond sont libres ! Ce sera quand même plus romantique que les toilettes... Avec il est vrai, la petite appréhension que quelqu’un vienne se promener dans les parages, des enfants par exemple, toujours à fureter partout. Céline étouffe ses rires, ce serait le comble !

    Cette éventualité ne suffit pas à la calmer, elle ne se défend pas quand Yohan l’invite à s’asseoir sur ses genoux, explore sous sa robe. Il soupire de désir quand ses doigts heurtent sa petite culotte de dentelle, se faufilent pour s’insinuer délicatement dans son intimité toute chaude, tellement humide que ses doigts glissent tout seuls. Il la caresse un long moment. Céline s’abandonne, le visage dans son cou, ivre de sa bonne odeur de garçon, un mélange de sueur et de savon, attentive au plaisir qui monte sous les doigts qui s’agitent en elle, insistent, la fouillent, l’élargissent peu à peu. Yohan n’en peut plus, il la veut, il la repousse sur le siège voisin le temps de descendre son jean et d’enfiler son préservatif. Il a décidément tout prévu lui aussi ! Il reprend Céline sur ses genoux, à califourchon ; elle est si fine et légère, son sexe s’enfonce aussitôt en elle, tout au fond d’elle. Il s’immobilise pour ne pas jouir sur-le-champ. Il ferme les yeux, se concentre, avant de s’autoriser quelques mouvements de va-et-vient. Trop tard. Il jouit dans un râle, il n’a pas su se retenir. Il est désolé, se retire avec un sourire contrit, se rhabille. Il propose ses doigts pour se faire pardonner de n’avoir pas su attendre. Ces jeunes ! Céline a hâte de retrouver son amant expérimenté. Elle aurait peut-être dû s’intéresser au contrôleur qui lui a fait un clin d’œil égrillard en louchant sur ses seins quand ils se sont croisés dans la voiture bar... D’ailleurs le voilà qui s’avance vers eux... Vite, Céline fait semblant de dormir, les doigts de Yoann toujours plantés en elle, bien cachés par sa robe. Il lui aurait fait plaisir sans cette arrivée inopportune.

    — Billets s’il vous plaît !

    Le charme est rompu, elle ouvre les yeux, fouille son sac, tend sa carte grand voyageur, confuse. Elle échange des regards penauds avec Yohan. Ses doigts lui manquent, laissent un vide, il doit chercher son billet. Le contrôleur s’éloigne enfin, les amants éclatent de rire, soulagés. Ils sont arrivés, ils n’ont pas vu passer le temps. Yohan lui donne sa carte professionnelle. Il n’est peut-être pas si jeune après tout puisqu’il n’est plus étudiant...

    — J’aimerais te revoir ! J’ai d’autres fantasmes, en voiture, en avion... je veux explorer toute la carte du tendre avec toi !

    Céline s’enfuit le sourire aux lèvres, elle range soigneusement la petite carte dans son sac, elle y pensera plus tard. Pour l’instant, seules comptent les retrouvailles avec son amant.

 

    Retour

    Jean a réservé une chambre dans un hôtel de charme, mais ils s’attardent dans sa voiture, sur le parking, sous un soleil de plomb, incapable de se séparer, réunis pour l’éternité. Ils se sont tant manqués ! Jean la couvre de baisers, de mots doux, la presse contre lui. Le temps s’est arrêté, il n’existe plus. Il pose un casque sur les oreilles de Céline, en met un lui aussi, et lance sa playlist spécialement composée pour l’occasion. Une musique lancinante, hypnotique, qui n’en finit plus de monter, les emporte et leur fait perdre toute mesure. Ils sont seuls au monde, perdent tout à fait la tête, ivres de musique. Jean a dégagé les seins de son amante, il les malaxe à pleine mains, tout en dévorant son cou de baisers. Céline, la tête renversée en arrière, s’abandonne tout à fait, les yeux clos. Sa jupe se relève, ses cuisses s’entrouvrent, elle appelle son amant en elle. Soudain, elle bondit, rabat sa jupe sur ses jambes, arrache son casque.

    — Regarde, juste en face là, tu crois qu’ils nous ont vus ?

    De l’autre côté de la route, trois jardiniers semblent les regarder fixement, mais comment en être surs avec leurs lunettes de soleil ? Et depuis combien de temps ? Jean installe le cache soleil sur le pare-brise, et les observe du coin de l’œil. Les jardiniers ne tardent pas à déguerpir. Le spectacle est terminé.

    Céline remarque alors le rideau de velours rouge derrière leurs sièges. Curieuse, elle l’écarte et pousse un cri de joie. Cette ancienne voiture de société a été transformée en une chambre coquette. Elle transportait des palettes, des échelles, des parpaings, des pots de peinture. Elle accueille maintenant un matelas moelleux, des coussins... Toutes les vitres sont recouvertes de rideaux de velours pour protéger la petite chambre des regards indiscrets.

    — Oh comme c’est joli ! J’ai envie de l’essayer tout de suite !

    — Je l’ai aménagée pour toi, pour te faire découvrir la région au fil de nos rendez-vous, et nous aimer quand bon nous semble !

    L’hôtel de charme est oublié, ils se glissent à l’arrière, s’enlacent avec délice, ne parviennent plus à se détacher l’un de l’autre, insouciants de la chaleur écrasante qui s’accumule dans la voiture.

    Il est tard déjà. Céline doit reprendre le train, rentrer. Elle s’installe sur son siège avec allégresse, Jean ne lui manque pas encore. Un sourire béat ne quitte pas son visage, elle flotte dans un cocon d’amour et de tendresse. Oubliés les désirs inassouvis de l’aller, ce soir, les vibrations du train la berceront au lieu de l’exciter.

    Soudain, elle marque un temps. Un très bel homme s’incline devant elle avec un grand sourire. Il est placé à côté d’elle, près de la fenêtre, il s'excuse, peut-il passer ? Céline lui rend son sourire au centuple, il est trop craquant. Elle s’écarte avec grâce, appréciant d’être frôlée pendant qu’il se contorsionne pour la déranger le moins possible. Il prend un livre dans son sac à dos et se met aussitôt à lire. Curieuse, Céline se penche pour mieux voir le titre. Rencontres ferroviaires, de Régine Desforges. C’est un signe ! Encore un qui aime les trains, comme elle... Et si c’était un message ? Sur les charbons ardents, à nouveau agitée des désirs les plus fous, elle tire de son sac son livre de poche Osez 20 histoires d’infidélité et le pose sans un mot sur sa tablette, heurtant le coude de son voisin au passage pour attirer son attention. Céline s’excuse, son voisin lève les yeux vers elle, avant de remarquer son livre. Un large sourire fend à nouveau son visage. Leur choix de livres crée une complicité immédiate.

    — Oh vous aimez la littérature érotique vous aussi ! Et les trains peut-être ? Je m’appelle Fabrice au fait, et vous ?

 ***

Fichier 10-07-2017 17 16 16       Et maintenant, la réalité par rapport au fantasme :

  • J’ai bien emmené un exemplaire d’Osez 20 histoires d’infidélité, mais c’était pour le donner à Galan ;
  • Sa voiture est bien une ancienne voiture de société, mais l’aménagement n’est pas encore achevé à l'arrière !
  • Nous avons bien écouté de la musique, mais sans nous attarder, nous avons eu le temps de visiter un peu Lyon, la preuve en image ci-contre - cette visite mériterait d'ailleurs un récit à elle toute seule ! (une histoire fantastique dans un cimetière, suivie d'un voyage dans le temps dans l'antiquité...)
  • Mes voisins dans le train se sont effectivement plongés dans leurs lectures, et ne m'ont pas adressé un regard ni la parole ;-)

 

     

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Commentaires
F
Je suis très sensible aux désirs ferroviaires mais vous le savez Clarissa.
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J
je remarque que depuis quelque temps tu assumes le fait de te montrer à visage découvert
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Clarissa Rivière
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