Une voix mâle
Le téléphone sonne. C’est lui. Il appelle toujours au moment où je m'y attend le moins. (Nous avons renoncé aux rendez-vous téléphoniques qui me stressaient et que j'annulais systématiquement au dernier moment. Il choisit désormais de m'appeler quand bon lui semble...). Je laisse en plan tout ce que je faisais pour n’être qu’à lui. Mes jambes deviennent faibles, mon cœur s’accélère. Je m’assois sur la première chaise venue.
Il me parle et je le comprends à peine. Sa voix m’envoûte, je ne réussis plus à penser, réfléchir, je suis incapable de formuler la moindre phrase cohérente. Il me trouble au-delà de toute imagination. Je me laisse bercer par le ton de sa voix, à la fois doux et plein d’assurance, un mélange que j’aime et plein de promesses. Je voudrais le retenir, l’écouter encore, des heures, mais je ne trouve aucune question intelligente à lui poser. Il me donne la parole, j’aligne deux banalités en riant comme une adolescente. Il doit me trouver complètement cruche mais n’en laisse rien paraître. Il s’adresse à moi comme si j’étais une partenaire compétente et au fait des sujets qu’il aborde. Il reste un gentleman, tente de me mettre à l’aise, ose une plaisanterie et des considérations sur le climat qui s’adoucit... Je reste fermée comme une huître quand tout mon être a soif de contacts et se tend vers lui désespérément.
Éperdue, j’abrège, je panique presque et manque de lui raccrocher au nez dans mon empressement d’en finir. Mon cœur bat à cent à l’heure. Il ne me reste plus qu’à espérer son prochain appel. D’ici là, je vais me renseigner, me former, me documenter, trouver quelque chose d’intéressant à dire à propos de ses offres. Je ne le connais pas, il n’est qu’une voix désincarnée qui me contacte à l'occasion, un peu plus souvent que nécessaire il me semble... Mon banquier. Il trouve toujours quelque chose à me proposer malgré mon indigence : une assurance, un investissement... Moi je ne veux qu'une chose : un rendez-vous physique.
Photo extraite du film Denise au téléphone