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Clarissa Rivière
12 avril 2020

Avenir radieux

 

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   Le président a prévu une allocation demain soir, et nous serons tous suspendus à ses lèvres (j’adore cette expression ;-) ) à quelle sauce allons-nous être mangés ? Va-t-il nous grâcier ou alourdir notre peine ?
   J’ai imaginé ce qu’il pourrait nous dire, et de fil en aiguille, c'est devenu une petite nouvelle SF...

***


   Le président allait parler, la nation entière, vissée sur son canapé, attendait la sentence. La tension était à son comble, deux mois déjà qu’ils se calfeutraient comme des rats dans leurs maisons, avec des libertés se réduisant au fil des semaines. Ça avait commencé de façon plutôt soft. Au début, on pouvait encore sortir faire ses courses ou du sport, moyennant une autorisation, mais on ne pouvait déjà plus voyager, que ce soit à l’étranger ou en France, et toute l’économie fonctionnait au ralenti.
   Et puis les consignes s’étaient durcies. A présent, il était interdit de sortir tout court, les courses étaient livrées sur les paliers par de courageux livreurs en combinaison de protection. Il était question de les remplacer par des drones, pour les protéger eux aussi. Le virus avait muté, l’épidémie était devenue incontrôlable. L'espoir de trouver un traitement, un vaccin s’éloignait, les biologistes s'arachaient les cheveux, ils n’avaient jamais vu ça.
   Le gouvernement ne maîtrisait plus rien, et répétait aux informations son espoir que l'épidémie s'arrête d'elle-même, grâce à ce confinement total. Pour compenser les difficultés financières liées aux nombreuses faillites, le revenu universel tant réclamé avait été accordé et généralisé, l’état avait nationalisé tout ce qui était essentiel, et offrait gratuitement l’eau, l’électricité, le wifi, et même Netflix, histoire que tout le monde prenne son mal en patience. Il s’était aussi occupé de mettre en place l’école à la maison via des visios, de façon plutôt efficace. Les journées des enfants étaient réglées comme du papier à musique, et du coup, celles des parents aussi. C’était plus compliqué du côté des jeunes, des célibataires, de ceux vivant seuls ; ils supportaient de plus en plus mal l’enfermement et la solitude.

   Mais ce soir-là, tous espéraient, des fuites s’étaient propagées sur les réseaux sociaux. Il semblerait que le président allait annoncer de bonnes nouvelles, pour une fois !
   Sidérée, la population l’écoutait, en silence, incapable de mesurer les conséquences des décisions.
   — Mes chers concitoyens, nous nous sommes concertés avec tous les présidents du monde entier. En ces temps difficiles, nous coopérons enfin pleinement, il y aura eu au moins un effet bénéfique à cette crise planétaire ! J’ai le plaisir de vous annoncer qu’une solution a été trouvée. Elle n’est pas parfaite, mais au moins, vous allez pouvoir sortir, revoir vos amis, les commerces et les restaurants, les cafés, vont rouvrir ! Des auto-tests ont été conçus, ils vont vous être livrés, vous allez vous tester, et ceux qui sont négatifs ou déjà immunisés auront le droit de sortir à nouveau. Mais attention, sans quitter votre ville, vous devrez rester dans la ville ou le village où vous vous trouvez, car le problème de ce virus, c’est qu’il mute selon les régions. C’est pour cela, entre autres, qu’il est si difficile de mettre au point un vaccin, le virus de Paris n’est pas le même que celui de Bordeaux...Seule solution, isoler les villes les unes des autres. A l’intérieur de votre ville, vous retrouverez votre liberté de mouvement. L’état se chargera de livrer tout ce dont vous avez besoin dans les supermarchés, les magasins, ne redoutez aucune pénurie, toute l’armée sera mobilisée. En espérant que toutes ces mesures ne soient que temporaires…

   Ce ne fut pas le cas.
   Peu à peu, les campagnes se vidèrent, leurs habitants étaient invités à rejoindre les villes, qui seules restaient approvisionnées, et offraient plus de distractions. Toute la chaîne logistique fut automatisée, la plupart des gens ne travaillaient plus, s’adonnaient à leurs loisirs préférés, que ce soit l’écriture, la pétanque, la peinture, le sport, la lecture, les discussions entre amis… ou l’oisiveté totale. Ils s’étaient adaptés ! On s’habitue à tout, et tant qu'on pouvait sortir dans l’enceinte de la ville, profiter des amis, des bars, des restos… c’était tout de même mieux qu'avant, quand il fallait rester enfermé chez soi ! Quantité de jeux avaient fait leur apparition à la télévision interactive pour occuper tout le monde, de nombreux reportages montraient la beauté retrouvée de la nature, le dynamisme du règne animal, filmés grâce à des drônes. Cela mettait un peu de baume au coeur, la planète guérissait, elle.
   Quelques-uns s’entêtaient à vouloir partir, ils passaient outre les recommandations, ne pensaient qu’à fuir, battre la campagne, à pied ou en voiture, rejoindre un eldorado qui n’existait pas. Les villes étaient gardées par l’armée, les contrevenants systématiquement renvoyés chez eux avec une amende exorbitante.
   Une parade fut enfin trouvée pour éviter les fuyards, une véritable prouesse technologique : d’immenses globes de verre recouvrirent les villes. Ce n’était pas du verre en réalité, mais ça en avait l’apparence : une sorte de matériau transparent très fin, infranchissable, quasi invisible. Ils défrayèrent la chronique quelques temps, des pétitions circulèrent, des gens s’indignèrent, d’autres se réjouirent. Finalement, ça ne changeait pas grand-chose au quotidien, la vie reprit son cours. Les dômes tombèrent dans l’oubli, on les voyait à peine. Seuls les enfants continuaient à s'en approcher, fascinés par la vibration des parois.

   Le moment était venu.  
   Les présidents du monde entier se réunirent en visioconférence. Ils arboraient tous de larges sourires, la partie était gagnée. L'un d'eux prit la parole.
   — Chers collègues, nous pouvons nous féliciter, nous avons bien travaillé et atteint notre objectif ! Nous pouvons leur dire de venir à présent, il n’y a plus rien à craindre sur cette planète ! La seule espèce menaçante est désormais emprisonnée, elle pourra être observée en toute sécurité. Son mode de vie est plutôt amusant, ça intéressera ceux d’entre nous qui aiment étudier les espèces étrangères. Le reste de la planète est un vrai paradis, nous serons parfaitement heureux avec toute cette eau et cette nature luxuriante. Il était temps, notre peuple n’en pouvait plus de rester confiné dans des vaisseaux spatiaux. Qu’ils débarquent, tous, et s’ébattent dans leur nouveau jardin !

***

   Nourrie de science-fiction depuis ma tendre enfance, j'ai bénéficié de nombreuses influences, et j'ai sans doute fait quelques emprunts pour cette histoire, je pense par exemple aux villes de La compagnie des glaces. Sans oublier ce grand cliché de la SF : les aliens arrivent, ils n'ont qu'une idée, éradiquer les humains pour occuper la Terre à leur place. Là, mes aliens sont nettement plus sympas, ils se contentent de nous mettre en vitrine, ils s'occupent de subvenir à nos besoins et de nous distraire ;-) 

 

   Photo : série Under the dome

 

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