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Clarissa Rivière
24 octobre 2022

Fantastiques étreintes

 

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    A l'approche des festivités d'Halloween, une histoire d'épouvante, avec un brin d'érotisme et de lubricité : deux amis visitent une campagne perdue au fin fond de la France, et atterrissent par hasard dans un club libertin mystérieux...
    Un grand merci à Lucrece Lucretia d'avoir accepté d'illustrer mon histoire avec ses très belles photos !

 

***



  Les deux amis s’approchent de la fenêtre et tentent de discerner l’intérieur.
  — Tu es sûr que c’est ouvert, l'endroit a l'air abandonné, s’interroge Louis.
  — Mais oui, on voit de la lumière, regarde ! C’est dingue quand même de tomber sur un club libertin au milieu de nulle part ! Un coup de chance qu’on ait fait escale dans ce village paumé…
  — Il était bizarre ce flyer déposé sur notre pare-brise... un club inconnu au bataillon, j'ai rien trouvé sur le net, et le boulanger du coin ne connaissait pas. On va se faire détrousser avant d'avoir eu le temps de dire ouf !
  Pierre secoue la tête, il a envie d’y croire. Il donne une bourrade à son copain.
  — Mais non, c'est nous qui allons trousser des jupons ! Ce club vient peut-être d'ouvrir, et on comprend qu'il se fasse discret, à la campagne on est moins ouvert d'esprit qu'en ville... Dis-donc, tu ne serais pas un peu parano, toi ? Allez, on va s’amuser, se détendre, c'est mérité après toutes ces visites d’églises abandonnées et de châteaux en ruines… ça va nous changer !
  Louis scrute toujours la fenêtre, sceptique.
  — Mouais, c'est pas Versailles quand même, à peine une loupiotte !
  — C’est un club libertin je te rappelle, pas un magasin Ikea… Le but c'est de ne pas voir grand-chose justement, car la lumière tamisée permet toutes les audaces, l'obscurité encourage les plus timides et offre une ambiance ténébreuse…
  — Te voilà bien lyrique tout à coup, tu t’y vois déjà, on dirait !
  Pierre ignore le sarcasme.
  — Tiens, ça devrait te rassurer, ils sont en train d’allumer toutes les pièces, pile au moment où on arrive, ça tombe bien ! On devait être un poil en avance…

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  La porte s'ouvre comme par magie. Les deux hommes s'avancent sans réfléchir, irrésistiblement attirés. Ils se retrouvent dans une vaste entrée, meublée à la façon d’une maison close d’autrefois : miroirs dorés, tentures de velours sombre, sofas alambiqués.
  Soudain, Pierre sursaute et réprime un cri. Une femme vêtue d'une longue robe noire surgit de l'obscurité, comme une apparition. Elle se déplace avec grâce, irréelle, comme si elle voletait au-dessus du sol. Sa chevelure de feu illumine son visage. Elle esquisse un sourire et les considère fixement. Les deux garçons la contemplent, subjugués par sa beauté.
   Elle sourit plus largement, elle semble apprécier les regards fascinés des deux hommes.
  — Messieurs, bienvenue dans mon établissement, j'espère vous aider à réaliser tous vos fantasmes !
   Les deux amis frémissent, sa voix grave résonne jusque dans leurs cœurs. Ils s’approchent, hypnotisés par sa chevelure qui danse comme des flammes.
  — Je m'appelle Kriss, je vous invite à laisser vos affaires au vestiaire.
   Louis jette un coup d’œil autour de lui. Il s'inquiète en découvrant le cadre luxueux des lieux.
  — Quel est le prix de l'entrée s'il vous plaît ?
  Kriss balaye ce détail d'un revers de main.
  — Je vous en prie, vous êtes mes invités. Nous manquions justement de compagnie ce soir, c’est très calme.
  Louis trouve ça suspect, mais Pierre ne se pose pas de questions, il tend déjà son blouson et sa veste à la jeune fille qui tient le vestiaire. Les yeux rivés sur son décolleté, il ne prête pas attention à son regard aussi dur que celui de sa patronne.
  Louis préfère garder sa veste, il ne confie que son manteau. Il règne une fraîcheur de cave dans ce club !
  — Ne soyez pas timide, les encourage Kriss, déshabillez-vous entièrement, je vais vous prêter des tenues fetish, vous vous plongerez mieux dans l’ambiance. Ce n’est pas seulement un club libertin, c’est aussi un club fetish-BDSM, vous savez ce que c'est ?
  Les garçons opinent en silence. Ils connaissent, bien sûr, mais ils n’ont jamais osé se lancer, se contentant de regarder des vidéos. Ils sont venus pour ça aussi, alléchés par les infos sur le flyer, pour découvrir les plaisirs de la soumission, au-delà des plaisirs du libertinage. Si loin de chez eux dans ce pays perdu, ils ne risquent pas de tomber sur des collègues !
  Pierre, décidément très coopératif, entreprend de se dévêtir. Il enfile sans réfléchir le boxer en cuir que lui donne Kriss. La jeune femme se tourne vers Louis en haussant un sourcil.
  —  Je vous remercie, fait-il en s'inclinant, mais j'ai un peu froid pour l'instant, je préfère rester habillé. Plus tard peut-être.
  Kriss n’insiste pas. Louis devine son dépit, assorti d’une pointe de mépris, mais il tient bon.  
  — Veuillez me suivre, propose Kriss, je vais vous montrer les lieux. Une visite accompagnée s’impose, vous pourriez vous égarer ! Vous verrez, mon manoir libertin est vaste, et plein de surprises.

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  Le club est immense en effet, bien plus qu'il ne le semblait de l'extérieur. Un véritable dédale de couloirs, d’escaliers, de pièces variées... Louis a tôt fait de perdre le compte et le sens de l’orientation. Ils traversent des salons de toutes tailles, cosy ou fastueux, des bibliothèques avec des livres jusqu’au plafond, des chambres à thèmes magnifiquement décorées, des pièces entièrement équipées d'installations BDSM avec leurs croix de Saint-André, leurs piloris…  Toutes les pièces sont éclairées par des bougies ou des torches — Louis se demande un instant si cela est bien autorisé. Des feux de cheminée flambent dans les salons et apportent une touche romantique et inquiétante. Entre la lumière des flammes et celle des bougies, l'ambiance est féerique et mystérieuse.
  Mais les deux jeunes gens n’ont pas un regard pour le beau mobilier ou les livres anciens, conquis par la beauté des femmes qu’ils croisent. Elles sont étendues lascivement sur des peaux de bêtes, ou bien assises sur des canapés, dévoilant leurs jambes parfaites gainées de soie. Elles se mirent parfois devant des miroirs en se coiffant, sirotent des verres au bar, ou paressent sur de grands lits, un livre à la main… Elles sont toutes d’une beauté irréelle. Louis ne sait pas laquelle choisir, Pierre les voudrait toutes ! Elles semblent attendre, presque s'ennuyer, oisives. Il n’y a pas beaucoup de clients... on dirait même qu’ils sont les seuls ce soir. Louis se perd en conjectures. S’agit-il de prostituées ou de clientes ? Et pourquoi sont-ils les seuls garçons quand tant de beautés sont réunies ? Ce club devrait avoir un succès fou, c’est rare que des filles seules fréquentent les clubs libertins !
  Bientôt, Louis oublie toutes ses questions, l'une des femmes vient de planter ses yeux dans les siens et son cœur s'enflamme, se serre à lui faire mal. Il finit par baisser les yeux, vaincu, et accepte la main qui se tend vers lui. Il songe un instant à Pierre, avant de l'oublier aussi, sous le charme de la créature qui s’enroule autour de lui.
  — Je m’appelle Elsa, vous me suivez ?
  Il ne pense plus, il se laisse entraîner comme un automate vers le grand lit. Il n’est plus que sensations, ressentis… Il se retrouve nu en un clin d’œil, allongé sur des draps de satin. Elsa parcourt son corps de ses doigts fins et de sa langue pointue, et fait vibrer chaque centimètre de sa peau. Ses caresses deviennent piquantes, ses ongles rouges éraflent sa peau, s’enfoncent dans ses chairs. Louis goûte ces légères griffures, il gémit, se plaint faiblement, tandis que son sexe se dresse vers le ciel. Elsa l’engouffre dans sa bouche et entame une fellation en douceur, qui se corse peu à peu de morsures. Louis se débat, il cherche à se dégager, mais la jeune femme l’empoigne fermement et poursuit sa mordante fellation, l’emmenant au bord de l’orgasme. Elle ne le laisse pas jouir, elle est loin d’en avoir fini avec lui ! Elle alterne les baisers fiévreux, passionnés et les morsures jusqu’au sang, tant elle raffole de sa peau blanche. Elle n’hésite pas y planter ses griffes et imprimer sa marque.
  C’est le moment ! Elle s’empale sur le sexe bandé et se démène comme une démone. Elle l’encourage de petites tapes, qui deviennent des gifles, accroissant encore l’excitation du jeune homme, emmené au bord de l’explosion, sans que jamais son orgasme ne survienne. Elsa jouit beaucoup en revanche, et hurle son plaisir sans retenue, fouettant le désir de Louis, qui accélère ses mouvements de bassin, désespérant de jouir enfin.

  Louis finit par s'extraire des griffes d’Elsa, égratigné, lacéré, la verge en feu, sensible d'avoir tant baisé. Il réussit à enfiler son pantalon, tandis qu’elle tente de le retenir de sa voix chaude et de ses doigts de fée. Il abandonne sa chemise entre ses mains ; tant pis, il se contentera de sa veste. La panique menace de le submerger, il doit sauver sa peau, cette fille est folle... il a aimé, il ne peut le nier, mais c'était un peu "trop" ! Il s’enfuit sans se retourner, Elsa l’appelle à grands cris, mais à son grand soulagement, ne se lance pas à sa poursuite. Elle n’a pas le droit sortir de la pièce apparemment.
  Louis se met à courir, ignorant les chants de sirènes qui l’attirent malgré lui. Il évite de regarder les jeunes filles qu’il croise, se dérobe à leurs attouchements. Il se bouche les oreilles et continue sa course folle, enchaînant les salons, les chambres, les bibliothèques toutes semblables, avec leurs jeunes filles vénéneuses. Il cherche Pierre, où peut-il bien se cacher ? Peut-être l’attend-il déjà près du vestiaire ? Combien de temps est-il resté avec cette succube ! Des heures sans doute, s’il en croit son sexe en feu.  
  Louis accélère encore le pas, il ne pense qu’à rejoindre le vestiaire, en espérant que Pierre y soit. Il se perd dans un labyrinthe sans fin de couloirs et de pièces. Le découragement menace, il s’affaiblit, quand il se retrouve enfin dans l’entrée.

  Kriss apparaît soudainement ; le cœur de Louis manque un battement.
  — Vous ne nous quittez pas déjà j'espère, s’inquiète-t-elle d’une voix suave, voilée de menaces.
  — Je dois partir ! Puis-je récupérer mes affaires ? Combien vous dois-je ? Et pouvez-vous demander à Pierre de venir ? Je ne l’ai pas trouvé… Je vous remercie de votre accueil en tout cas … votre club est… étonnant !
  — Le coût est exorbitant, mais c'est offert par la maison, tant que vous restez parmi nous ! Votre ami ne boude pas son plaisir, lui ! Vous avez tort de nous quitter déjà, ce n’était que le début…
  Louis s'affole.
  — Qu'avez-vous fait de Pierre, où est-il ?
  Kriss le fusille du regard.
   — Il reste de son plein gré, vous pourrez vérifier par vous-même, je vous conduis à lui ! Il profite du plaisir que nous lui offrons, car tel est notre objectif : satisfaire nos invités au-delà de leurs attentes. S’ils se montrent suffisamment courageux pour apprécier… Pas de place pour les lâches ici !
   Louis ignore l’injure, se contentant de lui emboîter le pas. Il s’efforce de mémoriser le chemin, pour ne pas se perdre à nouveau en regagnant la sortie.

   Pierre se trouve dans une chambre toute proche ; étonnant qu’il ne soit pas tombé sur lui un peu plus tôt ! Une jeune femme brune le chevauche à un rythme infernal tout en le cravachant.
  — Léa, peux-tu t’interrompre un instant, lui demande Kriss.
  La jeune fille glisse sur le côté, fraîche comme une rose. On ne peut pas en dire autant de Pierre. Le teint blafard, les yeux cernés de noirs, il halète, le corps couvert de sueur et parcouru de frissons. Il appelle Léa faiblement, son sexe dressé oscille à sa recherche. Louis se penche vers lui, inquiet. Il distingue de nombreuses traces de morsures et de griffures. Elles sont toutes enragées ici ! C’est un club BDSM, certes, mais quand même !
  — Pierre, ça va ? Viens, il faut qu'on parte !
   Pierre secoue la tête, il évite le regard de son ami, il cherche celui de Léa, l’appelle à lui. Louis tente de le tirer du lit, de le relever, mais Pierre se débat, il ne veut rien entendre, et repousse son ami violemment.
   Louis se heurte au montant du lit à baldaquin. Furieux, il renonce à convaincre Pierre. Tant pis, qu’il se débrouille puisqu’il tient tant à rester !
   Kriss insiste de sa voix doucereuse.
   — Vous voyez, j’avais raison, votre ami se plaît avec nous ! Restez-vous aussi, je vous promets des plaisirs infinis, plus de plaisirs que vous n'en aurez jamais…
   Louis ne l'écoute plus, il doit à tout prix fuir cet endroit maudit tant qu'il le peut encore, avant que le piège ne se referme sur lui. Il reviendra chercher Pierre plus tard, avec des renforts. Il dira à la police qu’il est maintenu prisonnier et maltraité, sans doute drogué… Comment expliquer son état autrement ?

  Cette fois, Louis retrouve son chemin sans difficulté, les filles le laissent en paix, elles semblent avoir renoncé à l’attirer dans leurs filets. Il préfère ne pas s’approcher de celle qui tient le vestiaire, tant pis pour son manteau. Il se dirige vers la sortie sans demander son reste, se contentant de saluer Kriss d’un simple signe de tête. Elle le regarde en ricanant, ouvertement sarcastique. Elle ne cache plus son mépris pour ce visiteur peureux et douillet. Elle ne le retient pas, sans doute satisfaite d’avoir Pierre à se mettre sous la dent.

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  La porte s’ouvre, c’est la tempête dehors ! Une bourrasque s’engouffre brusquement dans l’entrée, avant de pousser Louis vers l’extérieur.
  Le jeune homme se retrouve à l'air libre, soulagé, étourdi comme s’il émergeait d’un cauchemar. La tempête s’est calmée d’un coup. Il se retourne pour saluer Kriss une dernière fois, mais la porte s'est déjà refermée d’un coup sec. Une porte toute vermoulue, envahie par le lierre ; il n'avait pas remarqué qu’elle était en aussi mauvais état. Louis s'approche d'une fenêtre. Tout est plongé dans l’obscurité à nouveau, il a du mal à distinguer quoi que ce soit entre la saleté des vitres et la pénombre. Il nettoie une vitre avec son bras pour tenter de mieux voir. Son cœur s'arrête de battre un instant : ce ne sont que meubles cassés, branlants, recouverts d’une épaisse couche de poussière… L’endroit est visiblement abandonné depuis de nombreuses décennies.
  Pris de sueurs froides, Louis ne songe plus qu'à partir, il cherche des yeux sa voiture. Sans succès. A moins que… cette épave couverte de lierre, se pourrait-il que ce soit elle ? Il se précipite et arrache comme un forcené les plantes grimpantes, avant de se figer d’horreur. Il vient d’apercevoir son visage dans la vitre de la portière : le visage ridé d’un vieil homme. Il porte ses mains à ses joues et manque de s’effondrer : ses joues sont creuses, sa peau flasque, il a perdu presque tous ses cheveux…
   Louis court comme un fou vers le club, grimaçant de douleur sur ses vieilles jambes et tambourine à la porte. Il supplie, qu’on lui rende sa jeunesse, qu’on le laisse entrer au moins... Il croit entendre des rires, il devine des ombres, et l’espoir renaît dans son cœur.


   Modèle : Lucrece Lucretia, Photographe : Norbert d'Amico

 

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