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Clarissa Rivière
2 mars 2016

Premier rendez-vous

 

  devant-le-miroir

   Ce qui se passe avant le premier rendez-vous et que la plupart des hommes ignorent ;-)

 

    Après des semaines de tchat, de confidences, de poèmes, de déclarations, de photos de plus en plus suggestives, Ariane finit par céder, elle était d’accord pour le rencontrer. Elle avait reculé ce moment le plus possible. Elle avait si peur de briser la magie de leur relations épistolaire ! Elle aimait tant ses messages, passionnés, fins, plein d’humour, tendres... Elle craignait d’être déçue. Et de le décevoir surtout, il l'idéalisait tant. Etait-elle vraiment cette fille douce et romantique ? Mais elle avait encore plus peur qu’il se lasse d’une relation purement virtuelle et ne la couvre plus de messages du matin au soir.

    Elle prépara ce premier rendez-vous comme s’il s’agissait d’un trek dans l’Himalaya.

    Elle se réveilla dès l’aube, le ventre noué par l’angoisse, elle n’avait pas ressenti ça depuis les oraux du bac.

    Elle commença par l’inventaire de son sac : de quoi retoucher son maquillage, se coiffer, des bas de rechange au cas où les siens fileraient, une clé USB avec de la musique pour l’ambiance, des Kleenex, des bonbons à la menthe pour l’haleine, du Doliprane en cas de migraine, des Tampax en cas de malheur, son téléphone, un livre s’il la faisait attendre dans ce café, son carnet intime, un stylo, son pass Navigo, une bouteille d’eau… Elle renonça aux bougies parfumées, trop lourdes, et à sa trousse de toilette au cas où il lui proposerait de rester toute la nuit. Ça ferait trop « je m’y attendais, pas de souci, j’ai l’habitude, j’ai tout prévu ». Si elle restait pour la nuit, tant pis, il lui faudrait supporter l’absence de crème de nuit. Elle soupesa son sac. C’était trop déjà, il débordait. Il allait avoir peur c’est sûr, il allait croire qu’elle s’installait à demeure !

   Elle passa un temps infini dans la salle de bain à se laver, s’enduire d’huiles de bain, à peindre ses ongles, les pieds aussi, traquer le moindre poil, adoucir sa peau de gommages et de crèmes, démêler ses cheveux éternellement rebelles, se maquiller minutieusement… mais elle avait beau faire, elle ressemblait de plus en plus à un cocker qui vient d’essuyer une averse. Elle se désespérait devant son reflet.

   Elle souffrit en mettant ses lentilles de contact avant de renoncer. Ses yeux protestaient, les larmes coulaient déjà. Tant pis, elle se présenterait le visage nu, ne voyant rien à cinq mètres, plissant les yeux pour tenter de le reconnaitre…

   Elle essaya une dizaine de tenues, avant d’opter pour une petite robe noire moulante. Elle choisit des dessous époustouflants, on ne sait jamais, même si l’on dit qu’il ne faut jamais céder le premier soir.

   Elle se para de mille bijoux, piqua des barrettes en strass dans ses cheveux, pour mieux briller sous les lustres du grand restaurant, avant de tout enlever rageusement. Elle lui plaisait avec son look sage et bourgeois ; et voilà qu’elle devenait allumeuse et vulgaire. Et puis, elle avait du mal à respirer dans cette robe étroite. Elle la troqua contre sa mini-jupe habituelle , au moins elle serait à l’aise, elle effaça le rouge de ses lèvres et de ses joues, renonça aux Dim up qui chutaient déjà, secoua ses cheveux trop lisses… Elle était prête, exactement comme tous les jours finalement, les lunettes en moins…

    Enfiler son manteau, s’emparer de son sac, mettre ses bottes... Elle avait l’impression d’être un soldat se préparant à partir en guerre. Chaque geste lui coûtait, il lui fallait rassembler tout son courage pour continuer. Elle se mit à courir pour ne plus réfléchir, son chapeau enfoncé jusqu’aux oreilles, de grandes lunettes de soleil camouflant son regard perdu. Heureusement, il faisait beau.

    Chaudement couverte, elle transpirait bientôt. Elle s’arrêta, horrifiée. Elle avait oublié de mettre son parfum et se sentait nue. Avait-elle le temps de faire demi-tour ? Y avait-il une parfumerie dans les parages ?

    Trop tard. Deux mains venaient de se plaquer sur ses yeux, massacrant le mascara et l’ombre à paupières, et une voix riait à son oreille.

    — Enfin tu es là ! 

 

Illustration : Devant le miroir de Razumov

 

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Commentaires
C
Voilà qui me donne envie de raconter l'autre volet de la même histoire, les préparatifs du « massacreur de mascara » (quel effronté, tout de même !)...
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J
Bonsoir.<br /> <br /> Je passais par hasard..<br /> <br /> Avec ''Facebook'', ces formes d'entrevues et de préparatifs à des rendez-vous galants ou rencontres fortuites n'en sont plus...<br /> <br /> L'émotion est dans la brièveté, plus beaucoup de charme ni de plaisir, de plus, on est plus au temps de Sarah Bernard..me semble-t-il...<br /> <br /> Bonne fin de soirée et sinon bonnes chances pour vos agapes et autres..Denis.
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J
Ah! les rencontres!! quelques unes à mon actif et toujours concluantes. Ce qu'une femme ressent eh bien pour un homme c'est pareil. vais je lui plaire, ( va-t-elle me plaire!!!( j'ai eu des surprises ouaaa) comment je m'habille...et puis le rendez vous est là et on se jette à l'eau. Personnellement je fonce ( je fonçais) je reste charmeur mais pas dans la mièvrerie. Nous sommes mariés donc on a pas beaucoup de temps Alors ce temps doit être vécu intensément.<br /> <br /> Le plus important pour moi et le plus angoissant c'est: laisser de bons souvenirs
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A
Oh que oui, c'est cela... mais tu ne parles pas des mains moites, des jambes qui tremblent, des dizaines de fois où elle menace de faire demi-tour en se disant qu'elle est folle de faire ça... tous ces détails qui nous font pétiller de l'intérieur et nous font sentir vivante... Vibrante.
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L
C'est tellement cela ! (mais dans son sac, elle n'oublie pas les préservatifs ? ;) )
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