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Clarissa Rivière
23 décembre 2014

Contre toute raison (conte de Noël)

 

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Un conte de Noël romantique, pour changer !

 

J'en profite pour vous souhaiter d'excellentes fêtes de fin d'année !

 

            Il ne se lassait pas de contempler son doux visage illuminé d'une joie paisible, éclairé par un sourire timide et tendre à la fois. Ses yeux confiants et pleins d'amour le bouleversaient. Tant de candeur et d'innocence chez cette jeune fille. Longtemps, il s’était cantonné à ce rôle d’amoureux transi, n’osant l'approcher. Il craignait de la froisser, de la blesser par sa lourdeur et sa maladresse. Finalement, il s'était lancé, lui avait déclaré sa flamme en tremblant, et elle l’avait accueilli avec bienveillance et simplicité, heureuse d'être aimée. Il s'était juré de faire son bonheur et travaillait dur pour lui offrir une maison digne d'elle. Elle réveillait ce qu’il y avait de meilleur en lui, mais dès qu'il s'éloignait d'elle, ses soucis le tourmentaient à nouveau. Son désir d’elle le rendait fou. Elle gardait toujours ses distances. Serait-elle jamais à lui... Il allait presser les choses, ils étaient fiancés après tout, il n'en pouvait plus d’attendre. Il accourait vers elle plein de vigueur et de détermination. Mais son énervement fondait comme neige au soleil devant son front pur, ses yeux clairs, et le doux son de sa voix, légère comme le chant d'un oiseau. La contempler suffisait alors à son bonheur. Il la suivait des yeux, virevoltant avec une grâce infinie dans la pièce pour préparer leur repas. Il n'osait l'aider de peur de briser le charme, d'interrompre ce joli spectacle. Il se réjouissait de bientôt pouvoir la regarder tous les jours, chez eux.

           Elle riait d'être tant observée, heureuse de lire l'amour dans ses yeux, effrayée aussi d'y deviner une tension, une dureté qui lui faisait fuir les hommes, qui lui faisait peur. Mais celui-ci n'était pas comme les autres. Elle voyait surtout dans ses yeux son désir de la protéger, sa bonté. Rassurée, elle le regardait à son tour. Lui était à chaque fois transpercé d'amour quand son doux regard se posait sur lui. Il ne sentait pas digne d'elle. Elle n'était presque pas de ce monde, si légère, si éthérée, si peu concernée par les violences et les bassesses. Jamais il ne l'avait entendu dire du mal de qui que ce fut. Elle rougissait quand lui se plaignait de ses clients, et détournait les yeux, gênée. Quel amour de jeune fille. Parfois il avait presque l'impression d'être avec une petite fille. Et encore, il y avait beaucoup de malice chez les enfants, d'esprit taquin, totalement étranger à son aimée franche et pure. Certains l'en trouvaient presque trop simple, fade, mais lui l'aimait ainsi, lumineuse, entièrement tournée vers les autres, toute dévouée à leur service. Elle ne voulait jamais rien pour elle, elle n'était pas coquette. Tout ce qu'il lui avait offert, elle l'avait aussitôt donné à d'autres jeunes filles friandes de bijoux. Il lui en avait voulu au début, avant de réaliser la générosité de son cœur. Il se sentait si bien auprès d'elle, apaisé, loin de l'agitation du monde. S'il pouvait ne jamais la quitter. Il aurait voulu rester toujours auprès d'elle à la contempler, il avait soif de sa présence. Hélas, son travail l'appelait souvent et il s'éloignait le cœur lourd.

            Un soir il la trouva plus grave que d'habitude. Elle ne souriait pas, mais son regard étincelait de bonheur, de joie pure. Il fut frappé par son visage, paisible et exalté à la fois. Sa peau semblait irradier d'une douce lumière intérieure. Qu’elle était belle avec ses joues roses d'enthousiasme, sa robe blanche épousant ses formes parfaites… Il se ressaisit, il s'en voulait de la désirer, il ne voulait pas penser à elle comme à une femme qu'il allait bientôt posséder. Il aurait l'impression de la saccager, de la pervertir, elle était si éloignée de ces choses là. Ils prendraient tout leur temps pour se rapprocher.

            Aussi fut-il foudroyé sur place quand sa bien-aimée se mit à lui parler. Etourdi, il dut s'assoir et, une fois le premier choc passé, la colère envahit son cœur. Elle était enceinte. Elle venait de l'apprendre. Elle lui annonça la nouvelle avec une joie sereine, contenue, une fierté qui lui ressemblait si peu et qui l'exaspéra. Non, ce n’était pas ce qu’il croyait... elle allait tout lui expliquer, qu'il lui laisse seulement une chance…

            Il n’écoutait plus. Pour qui le prenait-elle ! La simplicité avait quand même des limites. Elle ne pouvait pas lui faire accepter n’importe quoi, ça lui faisait trop  mal ! Tant qu'elle y était, elle pouvait lui dire qui était le père au lieu de s'en tenir à ses mensonges sans queue ni tête et de le prendre pour un imbécile. Le croyait-elle amoureux au point de tout avaler ? Fou de douleur, il partit en claquant la porte, ignorant ses larmes et ses appels.

            Hanté par les pleurs désespérés de la jeune fille, il passa une nuit blanche à remuer ses doutes. Peu à peu, il sentit son amour intact repousser sa colère et reprendre toute la place dans son cœur. Elle avait besoin de lui. Elle comptait sur lui, il lui avait fait tant de mal en la repoussant. Il pouvait imaginer ce que serait sa vie s'il la quittait. Elle paraissait si étrange aux yeux des autres, alors qu'elle était tout pour lui. Sa résolution fut bientôt prise. Il accueillerait cet enfant comme le sien.

             Il retourna la voir et ouvrit grand les bras. Sa bien-aimée s'écroula contre lui en versant des larmes de joie. Ils se serrèrent longtemps l'un contre l'autre, avec une tendresse infinie. Il finit par l'écarter, trop ému de sentir son jeune corps frémissant contre le sien.

            Ils se marièrent très vite. Ses parents n'étaient pas favorables à tant de précipitation mais que faire contre un jeune homme fou amoureux pour qui rien n'existe que cette jeune fille effacée et frêle. Le soir de la nuit de noces, il osa enfin poser sa main sur sa hanche et effleurer son ventre encore plat, raffermi par leur engagement et aussi, peut-être, par la pensée qu'il n'était pas le premier. Le regard suppliant de sa femme le surprit et le heurta. Il ne s'apaisa que sous ses douces caresses maternelles et ses mots d'amour chuchotés à son oreille. Il redevint heureux ainsi. Pourquoi demander plus. Elle avait le don de calmer son désir, aussi puissant fut-il, et de l'endormir.

 

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            Cependant son ventre s'arrondissait et elle devenait chaque jour plus belle. Ses mouvements se ralentissaient, son sourire n'était plus tourné vers les autres, mais vers elle-même et son enfant qui remuait dans son ventre.

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            Elle le mit au monde facilement, sans connaître les douleurs de l'enfantement, avec un bonheur immense. Le bébé, un garçon, ne pleura pas et se mit à sourire tout de suite. Elle le nourrit aussitôt et il se sentit ému de voir ce petit être si fragile se saisir délicatement du bout de sein et téter avidement. Une fête des sens à laquelle il n'était pas convié mais qu'on l'autorisait à regarder. Son épouse et l'enfant semblaient baignés d'une lumière douce. Marie se rappela enfin de sa présence auprès d'elle et lui sourit.

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            — Nous l'appellerons Jésus n'est-ce pas ? 

            Le bébé se tourna vers lui et son regard plein de sagesse se posa sur le visage de son papa d'adoption. Joseph se sentit fondre et sut qu'il mettrait tout en œuvre pour les protéger, lui et sa maman. Il était peut-être exclu du mystère qui les réunissait, mais ils avaient besoin de lui, et cette pensée gonflait son cœur de joie. En particulier ce bébé avait besoin d'un berceau ! Ça tombait bien, le travail du bois n'avait pas de secret pour lui.

            Ils formaient une famille à présent et Joseph avait hâte de les ramener à la maison.

             The end (la suite est écrite ailleurs...)

 

    J'espère ne pas avoir choqué mes amis anticléricaux ! Je les sais sourcilleux dès que la religion pointe le bout de son nez.... je vois avant tout dans ces récits de l'évangile une histoire d'amour exceptionnelle !

    Tout le monde se préoccupe de Marie et de l'enfant Jésus, moi je regarde Joseph, sa générosité, sa confiance, son sacrifice, son abnégation... élever l'enfant d'un autre, le considérer comme le sien, tout en renonçant à faire l'amour à la femme qu'il aime... peut-on imaginer plus généreux ? (Et en plus, il est bricoleur...)

 

    Illustrations

- La vierge, l'enfant Jésus et St Jean Baptiste (détail) : Pierre Mignard

- Film "Marie de Nazareth"

- Sapins : image prise sur le net

 

 

 

 

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Commentaires
C
Un merveilleux conte de Noël que je lis en retard. Bien raconté, plein de douceur. Les faits qui passionnent le monde Chrétien sous un regard différent. Quoi dire de plus? Une histoire à laquelle il faut croire!
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A
Que de talent dans ce texte, bravo à vous et meilleurs voeux
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B
Je suis à la fois ravi et surpris : moi qui ne rate généralement pas une occasion de fustiger les "bondieuseries", j'ai lu ce récit avec un plaisir sans mélange, et même quand j'ai fini par deviner de quoi il s'agissait, j'ai poursuivi ma lecture sans la moindre déception. Je n'irai pas allumer un cierge pour autant, mais j'applaudis à cette histoire, tracée d'une si belle plume. Mes compliments, et mes remerciements pour cet agréable moment.
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P
Très joliment conter ce conte de Noêl. J'ai cru à la romance jusqu'au bout. Et je n'ai jamais douter au long de la lecture que cette histoire je la connaissais depuis longtemps. Au fait , elle berce notre enfance quelques 2000 ans . Bravo pour la surprise et le beau récit... joyeux temps des fêtes Clarissa, de Blandine
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J
Mon père s'appelait Joseph ( agnostique il se disait le:" patron des cocus"<br /> <br /> Joliment écrit Clarissa ( mais mal relu oups!). Touchante cette histoire. Je ne suis pas particulièrement tourné vers la religion mais je suis pour la liberté de penser et, ce que tu viens d'écrire, c'est vraiment sur la fin, que j'y ai détecté une origine biblique. Rien de choquant ni genant pour le libre penseur que je suis. Et puis, tu es chez toi, tu écris et publies ce que bon te semble.<br /> <br /> Joyeuse fin d'année
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